Sur la route déserte une corneille ventrue, le bruit de ton absence, les airs blancs de mes voyages intérieurs.
Et puis les refrains du foehn dans les fuseaux des peupliers, et les averses de solitude à venir... aout 08
Le vent froid sur la plaine déserte
Les herbes couchées sous la pluie
Tes pas qui se perdent dans le limon du marais
Le jour tire ses rideaux
Entre les saules et leurs feuilles argentées
Une lumière fine et discrète qui prolonge nos étreintes et nos paroles
aout 08
La moraine et ses plants de myrtilliers nous emmènent tout près du glacier, le long du sentier une cohorte de cairns, des constructions humaines dans un monde minéral, des
architectures tactiles faites de croisements, de superpositions, d'accumulations, de chevauchements, pierres polies avec leur mémoires millénaires,angles francs de celles qui ont été brisées par
les chutes de séracs, dolmens immobiles, lancés vers le ciel , érections granitiques, les cairns se suivent le long du chemins qui nous conduit jusqu'à la Turtmannhütte, des tours et
des pagodes qui élèvent nos pensées, peut-être nos prières vers l'immensité de la voûte mauve, crachée de gentianes, tendue comme une toile en cette journée de septembre.
Zone d'accumulation, zone d'ablation, entre elles des déchirures par centaines, le glacier qui semble tomber depuis le Bishorn donne à lire des histoires éternelles, des crevasses qui ondulent
comme des respirations fragiles sur le glacier qui semble endormi...
A chaque cairn une énergie secrète, des pulsations sanguines et violacées qui vont vibrer les schistes, les micas, les gneiss, les roches sédimentaires et leur solitude... la main d'un homme qui
a pris la pierre et lui a donné un sens précis dans une construction, dans un accord qui semble frappé de synchronie avec le cosmos et le décor alpin environnant.
Et puis des milliers de regards qui accrochent les cairns les uns aux autres dans une procession qui devient spirituelle, comme la couleur lactée d'un pays que l'on pourrait dire biblique.
Instant de cristal et de fumée bleutée... instant de feu dans la tête.
Avec "La première personne du pluriel", nouveau recueil de
poèmes, Jacques Tornay est ouvert à l'écoute du monde. Jacques Tornay, écrivain valaisan domicilié à Martigny, a publié un recueil de poèmes aux Editions d'Autre Part à Porrentruy: La
première personne du pluriel.
Des textes vifs et sensibles, tendres et authentiques, pour dire la vie au quotidien, avec ses errances méandreuses, ses rencontres fortuites, ses instants privilégiés de poésie spontanée née au
détour d'un regard interrogateur, généreux ou fouailleur.
Une poésie qui permet d'aller plus loin en soi, entre ombre plus loin en soi, entre ombre et lumière, sur les rives de la mémoire, des temps en allées et retrouvés, des silences à créer, à
peupler.
Une poésie qui suggère d'avancer parfois dans la brume mais toujours d'entrevoir ce filet de respiration, qui demeure par-delà les deuils et les ruptures, et qui remonte le fleuve, toujours, vers
la lumière et la source glaciaire, dans "l'émeraude des montagnes":
De fines dentelles de neige balancent aux branches tandis qu'une rumeur de pierre sèche émane là-bas où la nuit décline le cousinage soyeux des rêves qui la peuplent. L'aube se réjouit de
poindre. Il est souhaitable que la terres s'enivre et oublie de nous porter sur son râble. Ma foi est loquace comme un grillon en mue dans les vagues du chants pourpres. Il y a chez moi
entremêlées des odeurs de moribond et de nouveau-né."
Souffle innovateur
Jacques Tornay a de nombreux prix (Louise Labé) et ouvrages à son actif, notamment aux Editions Monographic dans la Collection Racine du Rhône et fait partie de la génération des écrivains
rassemblant Olivier Taramarcaz, Vital Bender, Jean-Marc Theytaz, Jean-Bernard, Pitteloud, Roland Delatre, Serge Rey... qui ont apporté un souffle novateur à une poésie valaisanne ancrée jusque
dans les années huitante dans un certain traditionalisme et une certaine sévérité conventionnelle mis à part quelques écrivains majeurs comme Chappaz toujours en avance sur son temps. Ecriture
intime et soutenue Jacques Tornay est un écrivain ouvert et à l'écoute du monde; preuve en est sa polyvalence et son aisance à écrire en prose ou en vers libres; il passe de la nouvelle à la
poésie sans perdre de son inventivité, de sa verve, de sa justesse d'observation.
Si Jacques Tornay peut s'émouvoir devant un paysage lumineux il se trouve également très à l'aise dans des situations de la vie jugées cocasses ou profondes; alors s'expriment tout son goût
pour une certaine philosophie de la disponibilité aux choses et au monde, de participation à une certaine étrangeté et son désir de présence vivante aux étonnements du quotidien. Jacques Tornay,
La première personne du pluriel, avec des photographies de René Lovy, Editions d'Autre Part, 2002.
Sur la photo les écrivains, Alain Bagnoud, Jacques Tornay et Germain Clavien de l'Assocication valaisanne des écrivains. jmt
Le chemin recouvert de gravier se craquelle , la guérite est là, isolée , entre prés et framboisières, le vieux chêne jette son ombre sur la luzerne, et dans la terre retournée de la plantation
des éclats de couleur anthracite en contre-jour. Derrière le clocher déchirant le ciel le soleil roule sa robe sur la ligne de la vallée, près de Veysonnaz; près du vieux raccard dont les
madriers sont démantelés, les arbres à sureau, et leur odeur suave qui flotte dans l'après-midi. Souvenirs gaufrés qui craquent et fondent comme une lumière bien mûre, un voyage plein de
fragrances pousse sous ma peau.
La terre respire, en moi, à côté de moi, je suis debout entre ciel et lumière blanche, il fait clair dans ma mémoire.