Raymond Farquet est le lauréat du Prix de la Loterie romande de l'AVE 2011. Une cérémonie a été organisée récemment à Naters , suivie d'une conférence sur Rilke et ses relations avec le Valais .Le poète Rainer Maria Rilke a vécu plusieurs années en Valais: il en a «ressenti» les paysages au plus profond de lui-même, en a aimé les lumières, les contrastes du relief, les variations de couleurs, construisant des liens charnels avec le Vieux Pays. C’est cette histoire que nous a contée Curdin Ebneter, dernièrement à Naters, à l’occasion de l’assemblée générale de l’AVE, l’association valaisanne des écrivains.
A l’issue de la partie administrative, Curdin Ebneter, secrétaire de la Fondation Rilke et auteur d’une importante biographie consacrée à cet écrivain, a suscité beaucoup d’intérêt auprès du public venu nombreux pour écouter sa conférence intitulée «Présence de Rilke en Valais». On sait que le grand auteur de langue allemand a vécu en Valais entre 1921 à 1926 et qu’il est enterré à Rarogne, à 15 kilomètres en amont de Sierre.
Relevons que l’AVE reçoit en effet chaque année des invités conférenciers, amoureux des lettres, parmi lesquels sont venus en Valais Anne Perrier, Agota Kristof, Georges Borgeaud, Jeanne Hersch, José Giovanni, Yvette Zgraggen et bien d’autres.
Concours littéraires 2011
Le président de l’AVE, Jacques Tornay de Martigny, a rappelé le rôle essentiel de l’association des écrivains dans la promotion des lettres dans notre canton avec l’organisation annuelle de concours littéraires pour les jeunes. Plusieurs dizaines de jeunes entre 12 et 20 ans y participent dans diverses catégories. Cette année le jury des jeunes a attribué trois mentions à Delphine Mamie, Sonia Mendès et Candice Rey et un premier prix ex-aequo à Rachel Häubi et Sandra Bonvin.
Au cours de la même après-midi, l’Association Valaisanne des Ecrivains a remis le Prix 2011 des Ecrivains à Pierre-Marie Pouget et, pour le Haut-Valais, à Nicolas Eyer.
le nouvelliste
Le Prix de la Loterie Romande a été attribué à Raymond Farquet pour «Le Voyage Amoureux» aux Editions de L’Aire. Raymond Farquet a une une belle œuvre littéraire derrière lui. Professeur à Genève il a parcouru les vallées latérales valaisannes à pied et en a tiré «Le Voyage Amoureux», une véritable découverte ethnographique et littéraire de notre canton, une rencontre de gens vrais et authentiques, qui constituent la substance du Valais profond. Raymond Farquet est un écrivain très sensible, qui sait exprimer la profondeur des êtres et des choses, qui dans ses rencontres au quotidien, dans les détails et les faits les plus simples nous fait aller à l'essentiel, avec pureté, netteté et une grande vérité. Raymond Farquet vit depuis longtemps à Genève où il a enseigné de nombreuses années.
Fragile existence
Le vent fou dans les cheveux verts des mélèzes, la clairière ouverte aux mille lumières, les pentes lustrées des alpages qui traversent les paysages silencieux de la montagne, leurs compositions magiques, les rivières polies par les eaux claires, la musique flutée du soleil blanc, les ailes transparentes des abeilles sur la colline fauve, le chant désespéré des bergeronnettes orphelines, la peur accrochée aux lambris de la pleine journée, les falaises d’où se jettent tous les errants et les vagabonds du bonheur, les sentiers serpentant le coteau et les vignobles géométriques, la berge déserte d’une écriture toujours recommencée, la vie s’accumule dans les parois d’une goutte de rosée, je te sens proche de moi, blottie dans la lueur d’une groseille matinale.
Procession à Chardonney
Sentier pascal , bordé de myosotis et de perce-neige, oraison primale dans l’incandescence des champs d’abricotiers, les cendres de nos pérégrinations s’envolent dans les paroles rares qui bordent nos silences, l’eau du ciel et ses résines d’améthyste guident nos regards, la brise murmure d’étranges prières, les processions ont abandonné des brassées de lys et de sapins vert foncé près des oratoires de Chardonney, recueillement et mains jointes, les gens du village célèbrent la Passion, la Résurrection à venir, celle des cœurs et de l’âme, au printemps naissant, dans la flamboyance des aubes fraîches. L’air est transparent, chargé d’ondes invisibles, ailes et mots bleutés qui rejoignent les arêtes effilées des Crêtes de Thyon, le jour est clair, nos corps et notre esprit le traversent comme une eau blanche, mêlée de pétales nacrés, la source glaciaire qui apaise la brûlure de nos souffrances
Nostalgie d’octobre
Au centre du jour
sur les vagues glaciaires et la montagne bleue
les soubresauts de la saison
les lanières du vent dans tes cheveux défaits
les errances des heures tièdes
les coups de boutoir du foehn endiablé
les promenades d’octobre sur les tapis
de feuilles jaunies
et le souvenir
dans les longues allés violacées de la nostalgie
• Heure tournante
•
• Vent du soir
• clairière allumée
• fuyantes libellules
• l’étang se marbre
• d’étoiles vibrantes
• le cadran de ses eaux
• dessine notre temps terrestre
• entrouvre des portes d’albâtre
• fige la nuit bleue
• au plus près de notre corps
• passage à gué
• la mort nous prend par la main
Alpe esseulée
• Le ruisseau et ses éclats de ciel brisé
• emportent nos mains jointes
• la forêt tremble de tous ses membres
• la tempête a fondu sur les hauts de la vallée
• fêlures du temps dans les craquements de mélèze
• les voix perdues sous les mousses
• chantent des airs oubliés
• enfance chevillée au corps et à l’âme
• dans les prairies de l’alpe esseulée
• courent les esprits de nos défunts
Orchère en pente douce
Le soleil blanc sur l’arête de granit
Les névés comme des épées luminescentes
Les chamois blottis dans les anfractuosités herbeuses
Et le vent
doux et léger
et le pierrier
muet et pesant
et les champs de rhododendrons
leurs calices de liqueurs rosées
et le bisse qui serpente
et suit les renflements de la vallée
et le pas
souple et vivant
battements magiques
Pré de février
Le corps du prunier
noir dans la vierge prairie
le givre matinal
l’herbe fauve
comme un îlot silencieux
qui danse
entre hiver et printemps
un vol de moineaux
une poignée de cris frêles
au creux de mes mains
le ciel d’anémone
les pages de soie feutrée
dans tes yeux et sur ta peau
tout près de moi
je passe
un souffle sur les branches de mélèze
la clairière s’illumine
un premier matin du monde
Endormissment
Les rues se prolongent
nues et désertes
les paroles s'envolent
vertes et sauvages
la ville s'endort
doucement
au bord du fleuve
calme
sans larmes
Apaisement
Les crêtes enneigées
le pierrier silencieux
les dentelures de tes mots
les fêlures du temps
le vent s'engoufre dans ma maison
apaisement de la nuit jusqu'à l'aube prochaine
Incarnation
Voyage intérieur
Pavage de galets en granit bleu
murailles de pierres sèches
le sentier court et longe le pré jaune
la corneille fouaille les labours
l'alouette et le traquet moteux
visitent les sous-bois
parterre de feuilles biscuitées
le vent râcle la lande automnale
avant de prendre le large
vers les espaces nus
d'un impossible hiver