Fragile existence
Le vent fou dans les cheveux verts des mélèzes, la clairière ouverte aux mille lumières, les pentes lustrées des alpages qui traversent les paysages silencieux de la montagne, leurs compositions magiques, les rivières polies par les eaux claires, la musique flutée du soleil blanc, les ailes transparentes des abeilles sur la colline fauve, le chant désespéré des bergeronnettes orphelines, la peur accrochée aux lambris de la pleine journée, les falaises d’où se jettent tous les errants et les vagabonds du bonheur, les sentiers serpentant le coteau et les vignobles géométriques, la berge déserte d’une écriture toujours recommencée, la vie s’accumule dans les parois d’une goutte de rosée, je te sens proche de moi, blottie dans la lueur d’une groseille matinale.
Procession à Chardonney
Sentier pascal , bordé de myosotis et de perce-neige, oraison primale dans l’incandescence des champs d’abricotiers, les cendres de nos pérégrinations s’envolent dans les paroles rares qui bordent nos silences, l’eau du ciel et ses résines d’améthyste guident nos regards, la brise murmure d’étranges prières, les processions ont abandonné des brassées de lys et de sapins vert foncé près des oratoires de Chardonney, recueillement et mains jointes, les gens du village célèbrent la Passion, la Résurrection à venir, celle des cœurs et de l’âme, au printemps naissant, dans la flamboyance des aubes fraîches. L’air est transparent, chargé d’ondes invisibles, ailes et mots bleutés qui rejoignent les arêtes effilées des Crêtes de Thyon, le jour est clair, nos corps et notre esprit le traversent comme une eau blanche, mêlée de pétales nacrés, la source glaciaire qui apaise la brûlure de nos souffrances
Nostalgie d’octobre
Au centre du jour
sur les vagues glaciaires et la montagne bleue
les soubresauts de la saison
les lanières du vent dans tes cheveux défaits
les errances des heures tièdes
les coups de boutoir du foehn endiablé
les promenades d’octobre sur les tapis
de feuilles jaunies
et le souvenir
dans les longues allés violacées de la nostalgie
• Heure tournante
•
• Vent du soir
• clairière allumée
• fuyantes libellules
• l’étang se marbre
• d’étoiles vibrantes
• le cadran de ses eaux
• dessine notre temps terrestre
• entrouvre des portes d’albâtre
• fige la nuit bleue
• au plus près de notre corps
• passage à gué
• la mort nous prend par la main
Alpe esseulée
• Le ruisseau et ses éclats de ciel brisé
• emportent nos mains jointes
• la forêt tremble de tous ses membres
• la tempête a fondu sur les hauts de la vallée
• fêlures du temps dans les craquements de mélèze
• les voix perdues sous les mousses
• chantent des airs oubliés
• enfance chevillée au corps et à l’âme
• dans les prairies de l’alpe esseulée
• courent les esprits de nos défunts
- Confinement
- L’ombre de ton corps
- jetée sur l’herbe
- les heures qui tournent
- sur les hauteurs du peuplier
- la pierre chaude
- près de la berge
- le cercle se referme
- je suis pris
- dans les interstices
- de cette après-midi sauvage
- une souris dans sa cage
- de fer blanc
Orchère en pente douce
Le soleil blanc sur l’arête de granit
Les névés comme des épées luminescentes
Les chamois blottis dans les anfractuosités herbeuses
Et le vent
doux et léger
et le pierrier
muet et pesant
et les champs de rhododendrons
leurs calices de liqueurs rosées
et le bisse qui serpente
et suit les renflements de la vallée
et le pas
souple et vivant
battements magiques
- Zénith
- L’ombre du chocard
- sur la table granitique
- au sommet de l’arête
- la tiédeur de la roche
- qui emporte mes pensées
- mon regard
- vers la maison du ciel
- les gentianes et l’eau forte
- de leur bleu profond
- les fissures de la paroi immobile
- dans le soleil
- le temps
- s’est fait
- grave et transparent
- comme ton regard
- sur le zénith de nos existences
Pré de février
Le corps du prunier
noir dans la vierge prairie
le givre matinal
l’herbe fauve
comme un îlot silencieux
qui danse
entre hiver et printemps
un vol de moineaux
une poignée de cris frêles
au creux de mes mains
le ciel d’anémone
les pages de soie feutrée
dans tes yeux et sur ta peau
tout près de moi
je passe
un souffle sur les branches de mélèze
la clairière s’illumine
un premier matin du monde
- Printze sauvage
- La Printze écume
- les tourbillons retiennent
- la clarté du ciel dans leurs chevelures folles
- les aulnes segmentent l’horizon
- respiration sourde de la mousse
- près du rocher humide
- sur le visage de la rivière
- des éclats de vitrail
- mes doigts plongent
- dans la lumière des frondaisons sauvages
- une prière monte aux lèvres
- celles des eaux primales
- qui ont traversé la nuit
- Les êtres disparus
- Lumières vertes et quadrillées
- dans les fenêtres de la forêt
- résines d'enfance
- lait chaud au fond de la gorge
- mémoire de chat errant
- l'hiver approche
- le vent court
- dans les allée silencieuses du cimetière
- les êtres disparus se pressent
- contre mon coeur
- leur souffle m'ouvre les portes
- d'une éternité
- à jamais recommencée
- Foehn de novembre
- Aube safranée
- liqueur de bourgeons et de sapin
- le vent cogne à nos portes
- une journée d'automne et de foehn sur le chalet
- les pensées se forment et se dénouent
- au gré des gestes affolés
- des branchages
- sorbiers braisés
- prairies dénudées
- une musique naît dans tes yeux
- les heures s'emplissent de mille voyages
- sous la terre rousse
- nos prochaines demeures
Endormissment
Les rues se prolongent
nues et désertes
les paroles s'envolent
vertes et sauvages
la ville s'endort
doucement
au bord du fleuve
calme
sans larmes
- Encens de novembre
- Le silence
- muré de pierres sèches
- habite l'espace vierge
- géométries immobiles
- dans la prairie vivante
- ton souffle transparent
- monte jusqu'au ciel
Apaisement
Les crêtes enneigées
le pierrier silencieux
les dentelures de tes mots
les fêlures du temps
le vent s'engoufre dans ma maison
apaisement de la nuit jusqu'à l'aube prochaine
Incarnation
- Glissement des jours
- respirations et tremblements
- je te prends par la main
- au-delà du pierrier
- traverse la prairie rousse
- regarde la pente raide
- rejoins l'escarpement
- où paissent les chamois
- et m'agenouille
- face au ciel laiteux
- prie une dernière fois
- mon corps se défait
- il devient lumière
Voyage intérieur
- Sur la balustre des monts
- je dépose ma fatigue
- verticalité du jour
- clarté des eaux
- le vent porte
- ma douleur
- au-delà des terres
- le silence se couche
- sur les landes désertes
- arrêt sur image