Jacques Tornay, président de l’AVE
(Association valaisanne des écrivains) vient de publier son dernier livre «A l’Est dans le siècle» aux éditions de l’Hèbe.
Un recueil de nouvelles qui nous donnent à traverser le XXe siècle et l’Europe de l’Est, avec des histoires quelque peu décalées, en porte-à-faux, «véhiculant» un certain recul par rapport à une
réalité souvent difficile à gérer.
Des textes très intéressants, souvent drôles, qui n’empêchent nullement d’aborder des
questions de fond sur notre société.
«Le premier récit se situe à Bratislava en janvier 1900 et le dernier à
Tallinn en décembre 1999. Entre les deux sont évoqués différents contextes nationaux dans lesquels vont et viennent des personnages le plus souvent fantaisistes....»
Interview.
La petite histoire existentielle de chaque individu, un bon moyen pour parler de problèmes politiques plus vastes, plus généraux et génériques?
J’avais envie de créer des situations et faire vivre des personnages fictifs dans cette partie de l’Europe que nous connaissons
finalement assez peu. Au cours du 20e siècle les tragédies de leurs peuples ont été plus dévastatrices que chez leurs voisins de l’Ouest. Ce sont aussi des pays dont la complexité et le
foisonnement culturels ne cessent d’étonner. Songeons que dans trois d’entre eux, la Roumanie, la République tchèque et la Hongrie, limitrophes, se retrouvent trois civilisations différentes:
latine, slave, et finno-ougrienne.
La démocratie, les dictatures, les oligarchies, des questions qui taraudent l’homme de tout temps, comment vos personnages s’en sortent-ils par rapport à ces
problématiques?
Actuellement une distanciation vis à vis du catastrophisme ambiant n’est-il pas de mise pour s’en sortir?
En quelque sorte, sauf qu’à trop s’écarter des enjeux de notre époque on risque de les perdre de vue et d’être le spectateur passif
plutôt que l’acteur agissant dans les affaires qui nous concernent au premier chef.
Vous vous exprimez en littérature par la poésie, les nouvelles, le roman, quel genre vous convient le mieux ou préférez-vous?
J’ai tendance à privilégier la poésie parce qu’elle peut dire beaucoup en peu de mots, mais la poésie doit toujours être neuve, sinon
ça ne vaut pas la peine de l’aborder. Elle s’offre à moi, elle me vient par une disposition intérieure que l’on appellera inspiration ou autrement, tandis que la prose je dois aller la chercher
comme on va au charbon et ça m’est forcément plus difficile. Les deux genres, au final, se complètent.
Quelle place a encore la littérature dans le monde globalisé d’aujourd’hui?
Elle est au cœur de tout dans les domaines du langage et de l’imaginaire. Rien, ou presque, ne se fait sans elle. Il suffit de voir
combien de films sont tirés d’œuvres littéraires, les grands textes classiques ou modernes joués au théâtre, les rencontres et manifestations autour du livre, etc. Elle en a encore pour un bon
bout de temps.
Le quotidien, l’anecdotique, les détails, la dérision, l’humour, que l’on peut retrouver dans vos
écrits, autant de moyens de «survivre» et d’avancer chaque jour?
Certains cultivent une forme de distance par rapport aux événements, ils réagissent aussi par la désinvolture, l’ironie, l’indifférence, ou continuent à rechercher les plaisirs de la vie en dépit
des circonstances. Ils subissent le climat social qui leur est imposé tout en conservant en eux-mêmes un jardin secret qui les aide à se maintenir à flot. Chacun a sa manière de ne pas se
conformer au moule ambiant.
Il y a de cela, en effet, et c’est aussi suivre son penchant sans se poser d’inutiles questions, faire ce que l’on estime devoir faire, être en plein accord avec soi, rester dans sa nature
c’est-à-dire n’imiter personne, et s’en tenir à l’essentiel.
Votre dernier ouvrage nous fait entrer dans l’Histoire de plusieurs pays de l’Est de l’Europe. Comment vous est venue cette idée de
situer vos personnages dans ce contexte d’espace-temps particulier?
La réalité première à laquelle je m’attache est celle des hommes et des femmes que je mets en scène. Les individus sont l’épine dorsale de chaque nouvelle. Chacun des personnages se situe au
centre de l’action. Le contexte politique est presque toujours présent, mais en toile de fond, il constitue un décor esquissé, qu’il est impossible d’éluder surtout lorsqu’il est oppressant ou en
passe de le devenir.
Des projets concrets,
des chantiers en route?
Ayant horreur du vide j’ai constamment quelque chose sur le feu, mais j’évite d’en parler avant que cette chose ne soit publiée. Superstition?
«A l’Est dans le siècle»
de Jacques Tornay
aux éditions de l’Hèbe